Prochain PNLT (1) : Elisabeth Borne va-t-elle massacrer la vape pour maximiser les revenus du tabac ?

Un nouveau projet de Programme National de Lutte contre le Tabac (PNLT), concocté par la Direction générale de la santé (DGS), est actuellement soumis au Gouvernement. La DGS veut que la 1re ministre Élisabeth Borne l’annonce en mars. Selon nos informations, ce projet de PNLT a pour principale nouveauté de prendre pour cible le vapotage, actuellement moyen le plus utilisé et le plus efficace pour arrêter de fumer en France. La DGS voudrait notamment interdire les arômes de vape autres que goût cigarette. En tir de barrage, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) vient de lancer une campagne médiatique pour réclamer l’interdiction de la vape aromatisée, sauf goût tabac (sic). Afin de mettre en contexte ce projet et en décrypter les enjeux, nous publions une série d’articles dont les liens seront insérés dans cette introduction au fil des publications.

Selon nos informations, le projet a été déposé début janvier sur les bureaux de la 1re ministre Elisabeth Borne et des ministres concernés. Interdiction des arômes de vape sauf goût de tabac, multiplication des campagnes contre le vapotage, intensification des contrôles des magasins sont les mesures les plus frappantes de l’orientation contre la réduction des risques du plan préparé par la Direction Générale de la Santé (DGS). Ironie politicienne, ces mesures figurent dans le projet de renouvellement du Programme National de Lutte contre le Tabac (PNLT). 

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Les principaux éléments du projet de PNLT soumis par la DGS au Gouvernement:

  • Mesures contre le vapotage :
    • Interdiction des arômes de vape autres que goût cigarette
    • Multiplication des campagnes de propagande contre la réduction des risques et le vapotage
    • Intensification des contrôles des magasins
    • Durcissement des consignes contre l’arrêt tabagique à l’aide de la vape auprès des professionnels de santé
  • Durcissement de la lutte contre le trafic de tabac et le marché noir sous l’autorité des services des douanes, déjà présenté en décembre dernier par le ministre délégué Gabriel Attal.
  • Optimisation des revenus des taxes tabac
    • Deux hausses optimisées à 5 % chacune des taxes sur les cigarettes (en mars 2023 et en 2024)
    • Hausses plus fortes sur le tabac à rouler pour empêcher le déport de consommation
    • En attente des taxes anti-réduction des risques – contre la vape, le snus et les cigarettes de tabac à chauffer – de la Commission européenne à travers la révision de la TED [voir ce billet]
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Alors que la Première ministre Elisabeth Borne, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran et le ministre délégué Gabriel Attal ont arrêté de fumer grâce à la vape, vont-ils valider un plan qui empêcherait de facto quinze millions de fumeurs de suivre la même voie de réduction des risques et risquer de repousser dans le tabagisme certains des plus de deux millions de vapoteurs exclusifs en France ? 

La DGS veut qu’Elisabeth Borne annonce très rapidement ce plan. Pourtant, les choix de la stratégie de la DGS mériteraient réflexion. Son hostilité à la vape a déjà brisé la chute et relancé le tabagisme depuis 2019, qui atteint désormais près de 32 % de la population adulte (25,3 % de fumeurs au quotidien) malgré les fortes hausses de taxes sur les cigarettes. Seuls les adolescents semblent échapper au retour du tabagisme et poursuivent une baisse accélérée depuis 2014, date de l’essor du vapotage en France.

Un PNLT contre les données

Malgré son échec de politique de santé publique sur le tabagisme, la DGS n’a consulté ni les organisations de professionnels socio-sanitaires, de réduction des risques ou d’usagers ni pris en compte les travaux menés en 2019 par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour élaborer son programme. Les données des principales études françaises, menées notamment par Santé Publique France (SPF), l’Observatoire des drogues et toxicomanies (OFDT), l’Institut Pasteur et l’INSERM, sur le sujet ont aussi été escamotées. Tout comme les exemples heureux des approches de réduction des risques britannique, néo-zélandaise, suédoise ou norvégienne. 
Unique référence acceptée par la DGS, justifiant ainsi sa guerre à la vape ces prochaines années, le rapport lacunaire, partiale et très controversé du Haut Conseil en Santé Publique (HCSP). Notamment, son prétexte de protéger les jeunes d’un « effet passerelle » n’a aucune base factuelle. Le tabagisme adolescent n’a jamais chuté aussi vite que depuis l’apparition de la vape en France, et les études de l’OFDT et de l’INSERM montrent que l’essai du vapotage réduit de près de 40 % le risque de tabagisme des adolescents.

L’actuelle DGS nie les faits. Ils sont pourtant têtus. Le vapotage est à la fois l’aide la plus utilisée et la plus efficace pour arrêter de fumer en France selon les analyses en population de SPF. La dynamique, initiée par la direction précédente de la DGS, d’intégration de la vape à l’arsenal d’arrêt tabagique a tout particulièrement bénéficié aux fumeurs des 2/3 des revenus les plus bas de la population de 2016 à 2019. À l’inverse le tournant répressif contre la réduction des risques a très violemment relancé le tabagisme chez ceux-ci. 

L’hostilité à la réduction des risques est antisociale

Avec ce projet de nouveau PNLT, le durcissement de l’approche anti-vape aura pour conséquence un violent accroissement des inégalités sociales de santé. La perte en moyenne de 14 années de vie pour les fumeurs par rapport aux non-fumeurs, représente une privation de jouir du temps de retraite près de sept fois plus longue que celle prévue par la contestée réforme des retraites actuellement en débat au parlement. 

Cette perte d’années de vie liée au tabagisme frappe deux fois plus les classes populaires que les classes supérieures actuellement. Et cette inégalité sociale irait très probablement en empirant, comme l’indique la régression depuis 2019, avec un PNLT radicalisant sa position anti réduction des risques tel que concocté par la DGS et soutenu par le CNCT.

Un objectif purement financier ?

Les revenus fiscaux des taxes tabac, dont le Gouvernement a prévu la progression en 2023, sont-ils la raison cachée aux options injustifiables du point de vue de la santé publique du projet de PNLT ? Ces revenus ont baissé, malgré les hausses à la fois des taxes et du tabagisme en 2021 et en 2022 en raison du déport des fumeurs vers des moyens de consommation moins onéreux. 

Dès lors, la progression prévue pour 2023 de 3,5 % des revenus des taxes ne pourrait se réaliser que si la quasi-totalité, à plus de 98 %, des 15 millions de fumeurs se retrouve pour ainsi dire piégée dans la poursuite de la consommation de tabac taxé. Aussi inconcevablement cynique qu’il puisse paraitre, il est difficile de ne pas interpréter ce projet de PNLT, avec sa guerre contre la possibilité de sortir du tabagisme avec la vape, comme la mise en place de ce piège taxo-tabagique. 

Quelques semaines pour éviter le pire

Tel qu’il est proposé au Gouvernement, le projet de PNLT serait délétère sanitairement, injuste socialement et régressif politiquement. Que ce soit par sclérose intellectuelle ou déloyauté envers le public, les autorités de santé françaises ont complètement raté leur rendez-vous avec l’histoire pour concevoir une stratégie efficace intégrant les outils de la réduction des risques face à la première cause de maladies et de décès prématurés évitables. Cependant, tant qu’il n’est pas officialisé par la 1re ministre subsiste l’espoir de modifications pour rendre ce PNLT moins catastrophique. 

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