« La limite maximale de 20 mg/ml de nicotine est issue de la directive européenne (TPD). Quelle est la marge pour la changer après le Brexit ? » La question de Damien Moore, parlementaire conservateur, tranche dans la salle feutrée du Comité science et technologie de la Chambre des Commons lors de sa seconde séance consacrée au vapotage jeudi dernier. Face aux élus, la Dr Lynne Dawkins et le Pr David Harrison étouffent un petit rire surpris du ton si direct. « Il n’y a aucune justification à cette limite. Elle a été prise de manière arbitraire. Il n’y a pas de preuve d’augmentation des méfaits de la nicotine pour les niveaux supérieurs à 20 mg/ml. Or nous avons constaté que lorsque les usagers réduisent le taux de nicotine, ils compensent en consommant plus de liquide. C’est coûteux financièrement, et cela peut avoir un coût pour la santé en augmentant l’exposition », répond la Dr Dawkins, du Centre des sciences du comportements de l’Université de Londres. En synthèse, elle recommande de reconsidérer cette limite du taux de nicotine à la lumière des résultats des recherches auxquelles la chercheuse a collaboré.
Limiter le taux de nicotine pousse à la surconsommation
* Mise à jour 10-01-2018 : l’étude vient d’être mise en ligne par Nicotine & Tobacco Research à https://academic.oup.com/ntr/advance-article-abstract/doi/10.1093/ntr/ntx162/4004823
Augmenter le taux de nicotine minimise les risques de méfaits
Auparavant, les mesures salivaires d’un suivi sur huit mois de 98 vapoteurs mené entre 2013 et 2015 par le Pr Jean-François Etter, de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève, allaient dans le même sens. Les vapoteurs réduisent le taux de nicotine de leur liquide, mais augmentent le volume de liquide consommé pour maintenir une nicotémie similaire. Le point est simple. « Le corpus scientifique montre que la nicotine elle-même n’est d’aucune façon la substance la plus dangereuse », explique le Pr David Harrison, du Comité sur la toxicité (COT) devant les parlementaires. Son risque réside dans l’éventualité que sa consommation amène à s’exposer à d’autres toxiques, précise le spécialiste.
Entendu que la nicotine ne présente que des risques sanitaires mineurs, en limiter la concentration de manière abusive dans le vapotage pousse à la consommation de liquide, dont la principale inconnue sanitaire reste les substances dégagées par la chauffe de certains arômes. Or même avec des risques réduits, surconsommer augmente évidemment ceux-ci par rapport à une consommation réduite. A fortiori concernant des substances, comme les aldéhydes, dont les risques sont doses-dépendants.
Une interdiction de facto d’arrêter de fumer
es pour une part des « double usagers » – qui vapotent et fument encore. Aussi la force symbolique de fixer ce taux arbitraire comme maximum dans la loi, amène une grande part du public, et notamment des nouveaux usagers, à être persuadés que 20 mg/ml est un taux élevé. Or il est insuffisant pour une frange importante de fumeurs.
L’inquiétude de Sarah Jakes est partagée dans le monde médical. « C’est une chose déprimante à entendre dans une clinique pour les bronchites chroniques (BPCO), mais malheureusement fréquente », désespère le Dr Nicholas Hopkinson, dans une tribune sur le British Medical Journal (BMJ). Ce qu’il a entendu, c’est ce que toute personne investie dans l’aide à l’arrêt tabagique entend régulièrement: « J’étais passé au vapotage mais quelqu’un m’a dit que c’est aussi mauvais que les cigarettes, alors je me suis remis à fumer ». La conséquence malsaine concrète des mesures anti-vape des autorités et des campagnes de propagande propagées par des médias et des groupes d’intérêts.
La vidéo de la séance du Comité parlementaire
A partir de 1h23mn56, l’audition de la Dr Lynne Dawkins et du Pr David Harrison.
(Avant se trouve l’audition des quatre grands cigarettiers – Philip Morris, BAT, Japan Tobacco et Imperial Tobacco -).