Vape, pneumocoque, ERS et Philip Morris: Qui est infecté?

« Il n’y avait aucune différence du niveau de récepteurs du facteur d’activation plaquettaire (PAFR) au départ entre les 11 vapoteurs et les six personnes du groupe témoin ». L’étude publiée par le journal de l’European Respiratory Society (ERS) a analysé des cellules épithéliales du nez de onze vapoteurs au long cours et celles de six personnes qui n’ont jamais fumé ni vapoté. Sur les onze vapoteurs exclusifs, depuis au moins trois mois et jusqu’à huit ans pour le plus ancien utilisateur, dix vapotent au quotidien, le dernier qu’une à deux fois par semaine. Les concentrations en nicotine de leurs liquides vont de zéro à 24 mg/ml (pour trois d’entre eux). Comme le précise la citation plus haut des auteurs menés par Lisa Miyashita, de la Queen’s Mary University de Londres, l’analyse ne montre à ce stade aucune différence notable entre ces vapoteurs et les jamais fumeurs ni vapoteurs du groupe témoin.

Pas de différence significative sur les principaux échantillons

Ce résultat, sur un panel très réduit de personnes, coïncide avec d’autres études montrant la réduction flagrante de problèmes respiratoires en général, et d’infections en particulier, chez les ex-fumeurs passés au vapotage exclusif. « La partie la plus pertinente de l’article concerne les cellules prélevées sur des personnes qui ne fument ni ne vapotent et des vapoteurs avant et après le vapotage. Ici, il n’y avait pas de différence dans l’expression de PAFR entre vapoteurs et non-vapoteurs dans les échantillons principaux! », souligne le Pr Peter Hajek, également de la Queens Mary University de Londres mais pas dans l’équipe de cette recherche, dans une réaction critique publiée sur le Science Media Center

Sur près de 1’000 vapoteurs, 66% de diminution d’infections pulmonaires

« Les données provenant de personnes, contrairement à celles sur des cellules ou des animaux exposés de manière très différente, ne montrent aucun signe que vapoter rende plus vulnérable à l’infection. En fait, elles pointent en sens opposé. Des travaux antérieurs suggèrent que les ex-fumeurs passés du tabac au vapotage signalent non pas une augmentation, mais en fait une diminution significative des infections respiratoires », poursuit le Pr Peter Hajek se référant notamment à une étude sur 941 vapoteurs qu’il a co-signé avec le Pr Berndt Mayer et Johanna Miler publiée en 2016 dans le Journal of addiction and therapy.

Une augmentation temporaire du récepteur du facteur d’activation plaquettaire en prise aiguë

Cependant, les chercheurs de l’étude publiée par l’ERS ne se sont pas contentés de ce résultat. Ils ont multiplié les tests après usage, ainsi que sur des cellules in vitro et des souris. « Les niveaux de RFAP dans les voies aériennes supérieures ont été mesurés chez l’ensemble des sujets. Avant vapotage (pour le groupe test), les niveaux de RFAP étaient les mêmes dans les deux groupes. Une heure après vapotage, les niveaux de RFAP avaient triplé chez les vapoteurs. Le fait que les niveaux avant vapotage ne soient pas augmentés chez les vapoteurs semble signaler que l’augmentation de l’expression de RFAP n’est pas persistante dans le temps », résume le Quotidien du Médecin en français.

Un indice indirecte

Les chercheurs publiés par l’ERS estiment cela inquiétant. « Ces résultats dans leur ensemble suggèrent que le vapotage rend les voies aériennes plus vulnérables aux pneumocoques », explique Jonathan Giggs, auteur référent de la publication. A l’opposé, le Pr Peter Hajek souligne que « l’étude a seulement noté un effet aigu transitoire après
le vapotage. Il n’est pas clair de quelle manière cela peut se traduire par des effets sur la santé »


Même scepticisme prudent sur les enseignements que l’on peut tirer de cette étude, du côté du Pr Peter Openshaw, directeur du Centre sur les maladies respiratoires infectieuses de l’Imperial College de Londres. « Les résultats de cette étude sur les cellules cultivées en laboratoire et chez la souris suggèrent que le vapotage pourrait rendre les cellules tapissant les voies respiratoires plus collantes et donc plus sensibles à la colonisation bactérienne, mais ce n’est qu’un indice indirecte que le vapotage puisse augmenter le risque d’infection pulmonaire chez les humains », explique t-il aussi sur le Science Media Center.

« Cette étude ne doit pas être une raison pour continuer de fumer plutôt que de vapoter »

Le Pr Openshaw estime que cette étude est loin d’être suffisante, à l’opposé des conclusions médiatiques. « Nous avons besoin de plus amples recherches pour déterminer l’effet de vapoter sur la susceptibilité à la pneumonie en comparaison avec les fumeurs.(...) Cette étude ne devrait pas être utilisée comme une raison de continuer de fumer plutôt que de vapoter. Les preuves à ce jour sont que le vapotage est beaucoup moins nocif que le tabagisme », conclut le spécialiste. Pour sa part, le Dr Jean-Yves Nau ironise férocement sur la publication du Quotidien des médecins à propos de cette étude : « Rage: la vapeur de la cigarette électronique peut-elle la transmettre aux vapoteurs »


Autrement dit, les personnes sérieuses donnent peu, pour rester mesuré, de crédit à cette publication. De quoi se demander pourquoi l’ERS a divulgué aux médias ce message alarmiste à la mise en forme définitive sur la base de cette vague étude aux résultats trop faibles pour en tirer quelconque conclusion sérieuse? On ne sait pas.

L’ERS, la pharma et Philip Morris

On ne sait pas non plus les liens d’intérêt des auteurs, dont la déclaration ne se trouve que sur le site de la revue réservé aux abonnés. Ce qui n’est pas mon cas. Cependant, l’ERS précise dans le formulaire de déclaration d’intérêts lors de soumission que toute personne ayant reçu une allocation (« grant ») depuis le 1 janvier 2000 de la part de l’industrie du tabac est exclue. Un critère dont il n’est pas très clair s’il s’applique à l’ERS même. Le listing de cinq pages (voir plus bas) des sponsors 2017 de l’ERS compte diverses entreprises, en large part du secteur pharmaceutique. Merck, Novartis, Astrazaneca, GSK, Bayer, Roche, Sanofi… etc…. et Teva Pharmaceutical.


Teva est une boite pharmaceutique israélienne dont le chiffre d’affaires annuel approche les 26 milliards de dollars. En novembre 2016, Teva a signé un accord de partenariat avec Syqe pour avoir l’exclusivité de distribution d’un intéressant inhalateur de cannabis thérapeutique. Syqe est elle-même une start-up israélienne créée en 2011 dans la banlieue de Tel-Aviv. Dix mois avant l’accord entre Syqe et Teva, en janvier 2016, Philip Morris a investis a investis 20 millions de dollars dans le capital de Syqe. C’était avant le partenariat entre la start-up et Teva, mais aussi avant le sponsoring 2017 de l’ERS par Teva. 


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