Ni légalisation rapide ni recherche: le Conseil National décide de ne rien faire pour le vapotage en Suisse

Hier, le Conseil National a rejeté un postulat demandant une étude sur les conséquences du vapotage. A l’origine de l’initiative, une majorité (12 sur 22) des membres de la Commission Santé et Sécurité Sociale des députés suisses (CSSS-N). Les intervenants au parlement ont raconté la genèse de cette proposition. « Lors de la réunion de la CSSS-N du 1er septembre 2017, le Conseiller national Clottu a demandé de présenter une motion de la Commission dans le but d’adapter l’Ordonnance sur les denrées alimentaires et les objets usuels (ODAIOU’s) afin de permettre la commercialisation des cigarettes électroniques avec nicotine. Aujourd’hui, la vente de liquides contenant de la nicotine pour les cigarettes électroniques est interdite par la loi en Suisse », explique la Conseillère national Verena Herzog. En réalité, cette interdiction ne repose que sur une décision administrative (de l’OSAV) contestée depuis décembre 2015 devant le Tribunal Administratif fédéral. Mais passons sur la méconnaissance des détails de la situation de la Conseillère national.


Contre la réduction des méfaits

Bien connue pour sa haine des approches de réduction des risques, l’élue thurgovienne ne cache pas son opposition à la proposition de Raymond Clottu. « La demande d’abrogation de l’interdiction a été justifiée par le Conseiller national Clottu en raison des faibles conséquences néfastes des cigarettes électroniques par rapport aux cigarettes conventionnelles. Les cigarettes électroniques seraient également conçues pour réduire les dommages. Une fois de plus, l’industrie du tabac essaie habilement de transformer les préoccupations de santé en arguments de vente », juge Verena Herzog avant tout rapport sur la question. La « pasionaria anti-drogués », telle que la surnomment les médias suisses, a donc répliqué en proposant un postulat pour une étude sur le vapotage contre cette tentative de légaliser les liquides nicotinés, abandonnée en Commission par Raymond Clottu.

Plus mesurée

La socialiste Yvonne Ferri, également membre de la CSSS-N et favorable au postulat de recherche, liste les objectifs d’un rapport sur la question. « Il devra étudier les aspects suivants à la lumière des connaissances actuelles: conséquences de la consommation de cigarettes électroniques avec ou sans nicotine sur la santé; conséquences de la consommation de cigarettes électroniques en matière d’addiction; conséquences de la consommation de cigarettes électroniques sur la consommation de produits du tabac; conséquences de la consommation de cigarettes électroniques sur le marché des produits du tabac en Suisse », explique en français l’élue argovienne

Plus mesurée que son alliée de circonstance, elle précise qu‘il « ne s’agit pas d’une stratégie pour récolter des arguments contre la réglementation des cigarettes électroniques, au contraire ». Un point pas tout à fait évident en entendant Verena Herzog se référer aux articles de propagande anti-vape de la NZZ. « Ils soulignent que les liquides contenant de la nicotine facilement accessibles chez les adolescents pourraient avoir des conséquences dévastatrices », tonne la Conseillère national UDC. 

Pour la réduction des méfaits

Pour sa part, son camarade de parti, mais opposant sur cette question, Raymond Clottu s’agace du retard de la Suisse concernant la réduction des méfaits dans le domaine. « Alors que des restrictions entravant la liberté économique subsistent, l’approche obsolète en matière de produits sans combustion – donc cigarettes électroniques, tabac chauffé et snus – néglige le désir croissant des fumeurs adultes de se tourner vers des alternatives à la cigarette qui ont le potentiel de réduire les risques pour leur santé« , constate l’élu neuchatelois. Il juge le refus de sa proposition de légaliser rapidement les liquides nicotinés, alors que « des milliers de consommateurs doivent se tourner vers l’achat à l’étranger ou sur internet », et le postulat en retour comme une diversion des opposants à l’approche de réduction des méfaits. 

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« En ce qui concerne les études liées à la réduction de nocivité des nouveaux produits, il en existe déjà de très nombreuses concernant la cigarette électronique. A ce propos, le département de la santé britannique a déclaré que les cigarettes électroniques sont massivement moins nocives que les cigarettes conventionnelles, une déclaration largement soutenue par la communauté médicale », souligne Raymond Clottu. « Il est prouvé scientifiquement que de nouveaux produits sont moins nocifs que la cigarette conventionnelle. Ces faits doivent pouvoir être largement communiqués aux fumeurs adultes, et ces options ne devraient donc pas être soumises aux mêmes restrictions que la cigarette conventionnelle », insiste le Conseiller national UDC romand. 

Ni pour ni contre, bien au contraire

Alain Berset, Conseiller Fédéral en charge de la santé, confirme prudemment. « Les avis des experts sont partagés au sujet de la cigarette électronique, mais ils s’accordent sur un point: les cigarettes électroniques avec nicotine sont dans tous les cas beaucoup moins nocives que les cigarettes traditionnelles. Et ils s’accordent aussi pour estimer que le marché de la cigarette électronique avec nicotine doit être libéralisé en Suisse », explique le tout nouveau Président de la Confédération.

Pour autant, le Conseiller fédéral ne semble pas vouloir saisir l’opportunité d’une véritable politique de réduction des méfaits puisqu’il insiste pour n’autoriser le vapotage nicotiné que via son assimilation à la future Loi sur les produits du tabac (LPTab), dont l’avant-projet vient d’être mis en consultation publique jusqu’au 23 mars prochain. Le Conseiller Fédéral conclue en soutenant le postulat de recherche, mais à condition qu’il s’inscrive dans le cadre de la communication à propos du projet de LPTab. Autrement dit, un rapport mais sans espace pour réfléchir à une autre approche que celle qu’il a décidé.

Postulat rejeté par 106 voix

Par 106 voix contre 69, et 8 abstentions, le Conseil National a voté le rejet du postulat de recherche. Il n’y aura pas de recherche complémentaire à celles des services de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP), peu éclairées en la matière, et les contributions de la consultation publique. Au vu de l’orientation que voulait lui donner Verena Herzog, on n’est pas forcément chagriné par la chose. En regard de la possibilité de réfléchir à une véritable politique de santé publique intégrant le vapotage, on ne peut que regretter l’absence d’une réflexion de fond sur la réduction des méfaits dans le domaine. 

Une question que les services de Santé publique auraient dû ouvrir au plus tard en 2009 lorsque l’OFSP, dans le flou, a décidé d’interdire la vente des liquides nicotinés. Depuis, ils en ont eu l’occasion à maintes reprises. Cependant, depuis dix ans, rien de sérieux n’a été fait par les autorités compétentes sur le sujet en Suisse. En l’état, les usagers sont les plus aptes à délivrer des éléments éclairés sur la problématique. Mais les autorités sanitaires préfèrent toujours les snober.


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