La pub pour le vapotage aux USA aurait concouru à la baisse du tabagisme selon la première étude sur le sujet

Les anti-vape les ont décris comme le nouveau cheval de Troie des cigarettiers aux Etats-Unis. Dans un pays où les spots pour le tabac sont interdits depuis 1971, des pubs pour des produits de vapotage sont apparus sur les petits écrans et dans les magazines. Mais jusque-là, aucune étude chiffrée de l’impact de ces publicités sur le tabagisme n’avaient été menée. La Pr Anna Tuchman, de la Kellogg School of Management, vient de publier un travail de 57 pages sur le sujet. « Dans son étude, Anna Tuchman constate qu’une augmentation du nombre de publicités télévisées de produits de vapotage est en fait liée à une diminution des ventes de cigarettes traditionnelles, peut-être parce que les fumeurs substituent le produit électronique au produit traditionnel », explique l’article de l’Université de Northwestern (Chicago). 


Baisse des ventes de cigarettes liée aux pubs de vape entre 2012 et 2015

Précisément, l’analyse de la professeure de marketing montre qu’une augmentation de 10% des publicités pour le vapotage est liée à une augmentation de 0,8% des achats de ces produits et à une chute de 0,2% des ventes de cigarettes (tabac). Selon son calcul, si les autorités fédérales avaient interdit entre 2012 et 2015 la publicité pour le vapotage, le volume de ventes de cigarettes aurait été augmenté de 1%, soit environ 130 millions de paquets supplémentaires par an à l’échelle des Etats-Unis (soit plus de 350’000 paquets par jour).  
Pour arriver à cette analyse, la Pr Anna Tuchman s’est appuyé sur les données des diffusions de publicités de l’institut Nielsen. Puis elle a comparé les ventes de cigarettes, de substituts nicotiniques et de produits de vapotage dans les zones de diffusion des pubs et dans les zones juste limitrophes à celles-ci entre 2010 et 2015. Elle a ensuite extrapolé ses résultats, à l’aide d’un modèle mathématique, dans une hypothèse contrefactuelle d’une interdiction de la pub pour la vape à partir de 2012. 
Par ailleurs, elle a recoupé ces résultats avec une enquête de suivi sur la consommation des ménages de Nielsen. Les foyers ayant récemment acheté des produits de vapotage étaient moins enclins à acheter du tabac. Mais ces données montrent aussi une baisse concomitante des ventes de substituts nicotiniques, tels que les patchs et les gommes. Dans l’hypothèse – très peu crédible – que le vapotage se révélerait moins efficace que ceux-ci pour l’arrêt tabagique, le bilan sanitaire pourrait être moins favorable.

Une publicité désormais interdite en France:


La première étude avec des données empiriques sur le sujet
Cette étude est la première à apporter une analyse d’éléments empirique chiffrés sur le sujet. « Il y a eu beaucoup de discussions arguant d’une manière ou d’une autre sans beaucoup de preuves pour soutenir l’une ou l’autre position », constate la Pr Tuchman. « J’essaie simplement de documenter les tendances que j’observe à partir des données », poursuit-elle en insistant que son travail n’a pas été financé par des compagnies de tabac ni de vapotage. Principalement, ses résultats montrent que les publicités pour le vapotage favorisent l’effet de concurrence du moyen de réduction des méfaits contre le tabagisme. « Quand on y réfléchit, c’est logique. Le vapotage est un produit de remplacement voisin », remarque la chercheuse. 

Mad Men revival ?

Mais son travail n’a pas pu approfondir l’impact spécifique sur les jeunes de ces publicités. Les opposants aux publicités pour le vapotage craignent que celles-ci n’amènent des ados à consommer de la nicotine. Autre critique à l’encontre des publicités de vape, l’usage détourné pour promouvoir des cigarettes ou attaquer les mesures contre le tabagisme. Anna Tuchman présente ces critiques d’un risque de revival à la Mad Men. « Beaucoup de ces publicités évoquent la jeunesse et l’indépendance. On craint qu’il y ait une résurgence de ces idéaux liés aux cigarettes », en particulier pour les adolescents, « l’âge auquel les gens prennent souvent cette habitude »

Par ailleurs, un effet des réglementations dures contre la vape va être de favoriser les produits mis sur ce marché par les grandes compagnies cigarettières. « Initialement, l’industrie du vapotage était composée de plein de petits producteurs indépendants qui n’avaient pas intérêt à perpétuer le tabagisme. Cependant, avec l’arrivée récentes des compagnies du Big Tobacco, les motivations des producteurs changent », prévient Anna Tuchman dans la conclusion de son mémoire. 

Le dilemme des risques/bénéfices

Dans ces circonstances, trancher le dilemme est ardu pour les décideurs politiques. Mais avec des éléments et des travaux chiffrés, il est possible d’évaluer la balance entre bénéfices et risques d’une réglementation selon la chercheuse. « On peut réduire le problème à combien de fumeurs arrêtant ou passant au vapotage estime t-on nécessaires afin de se sentir à l’aise avec le risque qu’un non-fumeur ou un adolescent adopte le produit? »

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