Bad trip de Pourquoi Docteur: non, les drogues de synthèse ne sont pas "presque légales"

Les médias de santé ne sont visiblement pas épargnés par la surenchère sensationnaliste. Depuis hier, ‘Pourquoi Docteur’ met à la Une de son site que le Buddha Blues serait « presque légal » en France. Ce produit composé de substances de synthèse est connu depuis plusieurs années pour sa dangerosité. En 2014 déjà, le forum Psychoactif, espace d’entraide et d’information pour la réduction des risques liés à la consommation de substances psychoactives, prévenait des risques et d’effets secondaires de ce produit contenant les molécules 5F-AKB48 et AB-FUB. Ces pseudo-cannabinoïdes de synthèse, avec de nombreuses autres molécules développées initialement par l’industrie pharmaceutique, ont été placées (sous leurs désignations chimiques) par un arrêté du 19 mai 2015 dans la liste des substances classées stupéfiant. Autrement dit, contrairement à ce que prétend Pourquoi Docteur, elles ne sont pas « presque légales », elles sont totalement illicites

Add 20H: Pourquoi Docteur a modifié légèrement son article suite à la parution de celui-ci, en précisant qu’il s’agit d’un produit de synthèse, mais sans enlever les amalgames absurdes et potentiellement dangereux /off

Dans le fait divers brestois qui vaut l’article de Pourquoi Docteur, le Buddha Blues proviendrait d’un achat sur le Darknet, où se trouvent des marché noirs sur internet, selon les déclarations de la police au journal le Télégramme. « S’il n’y a pas eu d’accident grave, à ma connaissance, jusqu’à présent, c’est une conjonction de facteurs chance. Le trafic est généralement organisé en petites quantités par des gens qui informent leurs consommateurs », précise une source policière au Vaping Post qui relate l’affaire. 

Confusion délétère

Outre cet incroyable délire sur le statut du produit, l’article de Pourquoi Docteur sème aussi la confusion entre le cannabis, produit d’une plante, et les nouvelles drogues de synthèse. Pire, la fibre sensationnaliste pousse le média, soi-disant spécialiste des questions de santé, à faire l’amalgame entre le stupéfiant de synthèse et les liquides à vapoter au cannabidiol (CBD). Le CBD est pourtant connu pour son absence d’effet psychotrope (aka provoquant une ivresse), lié dans le cannabis au THC. 

Et, ainsi que l’a confirmé récemment le Ministère de la Santé, la vente du CBD est parfaitement légale en France. Il est par contre interdit de promouvoir de potentiels effets thérapeutiques du CBD. En Suisse, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) précise que des « discussions portent actuellement sur les possibles propriétés thérapeutiques du CBD (antioxydantes, anti-inflammatoires, anticonvulsives, antiémétiques, anxiolytiques ou antipsychotiques) ».

Le Dr William Lowenstein sur le CBD à vapoter le 30 novembre dernier sur LCI:
Etat de confusion avancée
Ironie de la logique de bombardement d’informations, le site Pourquoi Docteur publie d’ailleurs une dépêche sur une étude à propos des effets anti-psychotiques du CBD aussi hier. « Des chercheurs viennent de montrer que le cannabidiol a des propriétés anti-psychotiques dans une étude contrôlée. Cette substance est un cannabinoïde présent dans le cannabis. Les scientifiques assurent que c’est un remède efficace et sûr. Leur recherche a été publiée dans le American Journal of Psychiatry« , explique cette brève. Quelques minutes après, l’autre article du même site amalgame drogues de synthèse, cannabis avec THC et liquides à vapoter au CBD. La carte de l’angoisse et de la confusion s’abat: « la consommation de cette substance est souvent associée à des troubles psychiques, comme la schizophrénie ». Un double discours contradictoire a vous en faire perdre la raison.

Mise en danger par désinformation 


L’orientation politique du procédé manipulatoire de l’article de Pourquoi Docteur est assez transparente. En soi, défendre le maintien de la vente du cannabis dans le réseau illégal est douteux d’un point de vue de santé publique, tout comme de jeter le discrédit par un amalgame fumeux sur un moyen d’éviter les méfaits de fumer que ce soit le tabac ou le cannabis . Aller jusqu’à mettre en danger le public, a fortiori les plus jeunes lecteurs, qui seraient amener à confondre drogues de synthèse et CBD, troubler les connaissances sur les différences de risques entre ces produits et potentiellement banaliser un produit très dangereux, va au-delà de l’acceptable. Espérons que Pourquoi Docteur rétracte sans tarder cet article dont l’auteur, bien qu’arborant le titre de docteur, semble néophyte dans le métier de journaliste. 

Un travail plus rigoureux, précis et éclairant pour informer le public des distinctions entre drogues de synthèse et cannabis, et sur les différents cannabinoïdes ainsi que les modes de consommation à méfaits réduits serait bienvenu de sa part. Et plus utile pour la santé publique que la diffusion de paranoïa infondée. Un travail d’information qu’avait fait, sous forme de dossier consultable, le Groupe Romand d’Etudes sur les Addictions (GREA) en mai dernier face à une autre épidémie de désinformation en Suisse contre le CBD.

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