La Commission Européenne programme de soumettre les produits de vape au tracking le 20 mai 2024

La Commission Européenne (EC) veut tracer et traquer les produits du tabac. L’affaire est connue. Elle se négocie actuellement avant une adoption par l’Union Européenne (UE) que la Commission veut en décembre. L’avis de notification déposé par celle-ci, au nom de l’UE, à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) détaille l’agenda. « Les dispositions devraient s’appliquer à partir du 20 mai 2019 pour les cigarettes et produits du tabac à rouler et à partir du 20 mai 2024 pour tous les autres produits du tabac », précise le document au point 9. Or, même si objectivement le vapotage n’est pas un produit du tabac, l’UE l’a soumis à sa directive les concernant (TPD) en 2014. Si les choses restent en l’état, les produits de vapotage devraient souscrire au système imposé de suivi et traçage. Le projet à peine voilé de l’EC est de livrer ce marché faramineux à la Sicpa, une entreprise lausannoise.
Conséquences de l’assimilation au tabac
La catégorisation abusive d’un produit sans tabac ni fumée dans les produits du tabac est évidement objet de controverse. Aux demandes répétées de parlementaires européens d’une ré-évaluation de la vape sur une base scientifique, le Commissaire Vytenis Andriukaitis a opposé un refus catégorique. Pour le lituanien, qui dans une interview à Euractiv disait se réjouir de mener la vie dure au vapotage, il est hors de question d’en discuter avant 2021. Cette assimilation du produit, désormais le plus utilisé pour arrêter de fumer dans la plupart des pays européens, au tabagisme permet à la bureaucratie européenne d’interdire la divulgation d’information sur la réduction des méfaits. Mais pas seulement. 
L’EC envisage une taxation contre les vapoteurs, dans la ligne de celle des cigarettes. La consultation à ce propos, malgré les freins à la participation mis en place par l’EC, a montré que 89,88% des participants étaient totalement opposés à une telle mesure punitive. Cependant, l’adoption d’un système de surveillance électronique des produits a entre autres objectifs de réprimer les infractions aux taxes du commerce illicite…
La traque
La proposition de la Commission, présentée le 15 mai dernier, sur le tracking indépendant des produits soumis à la TPD prévoit l’apposition d’un marquage fiscal inamovible comportant des éléments de sécurité visibles et invisibles. La firme vaudoise Sicpa maîtrise une solution offrant une combinaison matérielle et numérique délivrant un code d’identification unique. « Ce code est apposé, collecté et enregistré dans une base de données centrale et mis à disposition des autorités publiques, le tout sous contrôle de l’Etat et non des producteurs, incluant les informations de production », explique Christine Macqueen, directrice des affaires publiques du groupe Sicpa au journal l’Agefi en mai 2016.
« Selon la proposition [de l’EC], chaque opérateur de la chaîne d’approvisionnement doit obtenir des pré-autorisations pour chaque étape de la production et de la distribution. »Une architecture aussi complexe n’a jamais été testée dans le monde réel », commentent les distributeurs, tout en ajoutant que les petits acteurs du secteur seront durement touchés », rapporte le site Euractiv dans un article du 20 juin. Pour un porte-parole de l’EC, les coûts de mise en place du système seront « largement compensés par les bénéfices en termes de réduction du commerce illicite ».  
On a du mal à voir en quoi l’argument concerne les produits de vapotage s’ils venaient à être maintenus dans les produits du tabac à l’horizon 2024. Pourtant, « l’objectif de la directive [est] de créer un système indépendant de suivi pour tous les produits du tabac en tenant compte des obligations internationales, notamment de l’article 8 du protocole FCTC [acronyme de la Convention anti-tabac de l’OMS] sur le commerce illicite », poursuit le même responsable européen anonyme au site Euractiv. 
Efficace contre le marché noir de cigarettes ?
Actuellement, les négociations se déroulent à la fois en coulisses et de manière plus ouverte lors de la consultation close le 2 octobre. Outre l’accusation des acteurs de la distribution de générer une immense usine à gaz disproportionnée, son efficacité à enrayer le commerce illicite est mise en doute. Le système fermé d’identification des produits fermerait la porte à une interopérabilité avec les pays hors de l’UE. « C’est pourtant important puisque 86% des cigarettes illégales proviennent de pays tiers, comme la Biélorussie, l’Ukraine et la Turquie. Ces produits continueront d’entrer sur le marché européen malgré le radar du système de suivi », estime un représentant de l’industrie cigarettière à Euractiv.
Du coté des partisans du système Sicpa, on accuse les cigarettiers d’organiser le trafic actuel. « D’après l’OMS et les associations anti-tabac, les cigarettes qui alimentent ce commerce parallèle sont de vraies cigarettes [sic!], fabriquées et commercialisées par les cigarettiers eux-mêmes », insiste C. Macqueen de l’entreprise vaudoise. Françoise Grossetête, députée européenne de droite, pense qu’il faut se méfier des critiques. « Des preuves existent selon lesquelles des tierces parties, qui paraissaient à première vue ‘indépendantes’, étaient liées ou influencées à un certain niveau par l’industrie du tabac », déclare t-elle dans un autre article d’Euractiv sur le sujet. Sans préciser si cela inclue l’influence sur des Etats, comme la Lituanie, des investissements de cigarettiers dans leur économie, ou encore d’organisations dirigées par des ressortissants de nation productrice de tabac brut.
Lobbytomie générale
Le débat se trouve donc présenté comme emprisonné entre les intérêts des cigarettiers, dont la probité est passablement fumeuse, et ceux de la firme Sicpa. Une entreprise aux mœurs assez étranges, tant au niveau privé de ses propriétaires milliardaires comme le conte le Temps en février dernier, que sur le plan des affaires, tel que le rapporte Mediapart dans le cadre des Malta Files. Le dossier du tracking des produits soumis à la TPD pèse lourd pour la Sicpa, à la fois par le marché européen lui-même mais aussi par l’effet d’entrainement qu’il pourrait imposer aux autres pays. L’entreprise spécialiste des encres pour billets de banques a mis les moyens. 
Engagement de lobbyistes pointus en provenance des firmes cigarettières, comme Yves Trevilly ancien de BAT, approches de personnes influentes, comme Dominique Strauss-Kahn, mise en place d’association faux-nez par Pauline Delpech… Sicpa sort le grand jeu. Avant même les grandes manœuvres actuelles, 80 de ceux qui étaient alors députés français ont mené une guérilla pendant 4 ans pour la firme Suisse, selon Mathieu Pechberty sur BFM
Que fout la vape là-dedans?
Entre les deux armadas de lobbyistes, les intérêts et les spécificités du vapotage ont-ils été pris en compte, alors que la Commission Européenne a déjà programmé son assimilation au système de surveillance ? Comment ce marquage physique et numérique se concrétiserait-il de la box à la résistance, en passant par la fiole de liquide, la fibre ou le fil des coils reconstructibles, le drip-tip ou les accus, etc. ? Quelle justification aux surcoûts financiers et de temps pour les petites entreprises et artisans de la vape d’un système calibré pour le mode de production de Big Tabacco ? Des questions sans réponse pour le moment… à suivre.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.