[urologie passive] De quoi souffre le Professeur Dautzenberg ?

Urines vertes ou jaunes, présence de cotinine et angoisse persistante. Les symptômes affichés par le Pr. Bertrand Dautzenberg sur les plateaux de BFM puis de RMC (vidéos plus bas) ne manquent pas de surprendre. Qu’est-ce qui a pu provoquer de tels troubles chez le médiatique pneumologue français? Est-ce grave? Mais de quoi souffre vraiment le tabacologue officiant à l’hôpital de la Salpêtrière? 
Anamnèse
Lors de son échange avec Jean-Jacques Bourdin, le sympathique professeur raconte recevoir des vapoteurs qui parfois « tirent » quelques lattes sur leur appareil dans son bureau. Peut-être pris de fièvre, le tabacologue précise pourtant que la direction de l’Assistance Publique et Hôpitaux de Paris (AP-HP), où il officie, a interdit depuis le mois de mars le vapotage en son sein. Qui est le fautif dans cette situation? Du patient arrêtant de fumer, du docteur le laissant vapoter dans son cabinet, ou des autorités hospitalières n’ayant pas mis le holà à cette pratique délictueuse, son récit emmêlé ne le désigne pas. « L’AP-HP dans sa sagesse a inscrit dans son règlement intérieur que l’on ne peut pas vapoter dans les espaces collectifs, mais un soignant peut vapoter dans son bureau », tente d’expliquer le docteur sans faire la lumière de ce qu’il en adviendra finalement pour ses patients.
Asparagusite
Ce vapotage dans son cabinet, mais pas aux toilettes, est-il à l’origine du mal qui semble posséder le pneumologue? Très troublant, si ce n’est troublé, il énumère les couleurs de ses urines la veille sur BFM. « Moi, si le vapotage me donne des urines vertes ou jaunes, on peut me dire que ce n’est pas toxique, je ne suis pas content », s’offusque t-il (à 3’45 »). Après recherches, si aucun cas de ce type n’est rapporté chez des vapoteurs ni dans leur entourage, des urines vertes ont été fréquemment constatées chez des sujets après ingestion en quantité d’asperges. La source du syndrome dautzenbergien pourrait bien être l’acide asparagusique, qui une fois digéré se dégrade en composés organiques souffrés.
Le Pr Andy Brunning, chimiste de l’Université de Cambridge, explique que le désagrément ne toucherait que 43% des amateurs d’asperge dans son oeuvre « Pourquoi l’asperge donne t-elle une odeur au pipi? ». En ce qui concerne l’alternance flavescente du pipi du Pr Dautzenberg, de nombreux témoignages semblent corroborer que c’est là sa couleur normale. Peut-être un léger manque d’hydratation a t-il fait foncer le secrétât de l’urètre professoral? Boire un peu plus d’eau doit suffire à allonger le liquide doré.
Tomatage passif
Reste évidemment cette interrogation inquiète de la présence de cotinine dans la lansquine du docteur. Les doses relevées par plusieurs études sur des personnes en présence de vapoteurs, y compris leur compagnon ou compagne, montrent des taux similaires à ceux de personnes ayant mangé un des nombreux légumes naturellement nicotinés. Avaler quelques centaines de grammes de tomate, aubergine, patate, choux-fleur, carotte, poivron, etc délivre autant de nicotine que de respirer une demie-journée enfermé en compagnie d’un vapoteur. « Les partenaires de vapoteur.es ont en moyenne des concentrations de cotinine [ndr. métabolite de la nicotine] de 0.19ng/ml de salive et 1.75ng/ml dans l’urine, ce qui est environ 1’000 fois moins que les concentrations chez les fumeurs et se situe au niveau du taux de cotinine généré en mangeant une tomate », souligne à ce sujet le rapport du Public Health England en 2015.
Au vu de la brièveté des bouffées de ses patients vapoteurs, il semble plus probable que les métabolites de nicotine dans l’urine du Pr Dautzenberg proviennent de son alimentation. « La nicotine à ces doses là, mesurées chez l’entourage des vapoteurs, ne présente strictement aucun danger », tente de raisonner Claude Bamberger, de l’association Aiduce, sur le plateau de BFM. Le professeur n’a pas paru calmé par cette tentative de le faire revenir à une raison que le Conseil d’Etat français avait reconnu valide en 2013. C’est pourtant aussi la conclusion de trois rapports scientifiques du Public Health England en 2015, du Royal College of Physicians (UK) en 2016 et de l’Université de Victoria (Canada) en 2017. Depuis, deux enquêtes in vivo confirment. L’Université de San Diego dans 242 logements et le NIOSH du CDC américain dans un magasin de vapotage n’ont relevé aucune pollution intérieure inquiétante liée au vapotage.
Peut-être pour calmer le sujet pouvons-nous lui suggérer, sans donner crédit à son délire, d’éviter les plats comme les pizzas, la moussaka, le gratin dauphinois, etc., qui contiennent en masse des solanacées. Cela sera t-il suffisant? Difficile à dire, le propre de l’irrationalité étant de pouvoir se contredire sans sourciller. C’est ainsi que le professeur reconnait à un autre moment que « la nicotine est très très peu toxique ». Le « danger est la fumée de cigarette », précise t-il. Le professeur convient d’ailleurs que la cohabitation entre vapoteurs et le reste de la population française « jusqu’ici se passait pas trop mal »
Subnormalisation
Ne dégageant pas de monoxyde de carbone, pas de particules fines solides, sans que l’on puisse distinguer si le compagnon ou la compagne d’un vapoteur a respiré la nicotine dégagée ou échangé ses fluides salivaires chargée de cotinine alimentaire dans des pratiques buccales très françaises, alors que visiblement les colories urinaires découlent plus probablement de l’alimentation, l’inquiétude sanitaire concernant le vapotage pour des tiers se trouve sans fondement. Le professeur a alors un soubresaut convoquant un risque comportemental. 
Trait identifié par de nombreux psychiatres, le délire rejette les faits de raison, notamment ici les comptes-rendus scientifiques, mais recèle souvent sa propre logique. « Le vapotage peut re-normaliser le tabagisme », assène ainsi le Pr Dautzenberg. Voilà Orwell revigoré. Arrêter de fumer, c’est fumer, a t-on envie de scander avec le docteur. En somme, un vapoteur re-normalise le tabagisme, Doit-on comprendre alors qu’un fumeur tend à montrer en acte que le tabagisme est anormal et dégouttant? Arrêter de fumer serait donc pire, aux yeux d’une certaine lutte anti-tabac, que de continuer de fumer, car cela peut re-normaliser ce qui serait (où?) dé-normalisé. On sait que d’aucun suggère de ne pas aider les fumeurs à arrêter pour que seuls les plus méritants se libèrent dans une souffrance rédemptrice et que les autres périssent le plus atrocement possible afin d’édifier les jeunes par leur agonie. Il y a peut-être un quelque chose de Chapman chez le Pr Dautzenberg, en dépit d’un fond humaniste clairement plus prononcé que chez l’ultra puritain.  
Le second assassinat de la loi Evin
Entre soutien à l’arrêt du tabagisme, mais volonté d’exclusion des parias ayant arrêté de fumer sans autre justification que de sombres hypothèses, il est passablement difficile de suivre la cohérence du propos. Comme le saisi spontanément la présentatrice de BFM-TV, le discours d’assimilation du vapotage au tabagisme finit par tuer la distinction fondatrice de la loi Evin qui interdit le tabagisme passif en raison de son impact sanitaire. Tout cela est réduit à un embrouillamini laissant à penser à un « simple problème de vivre ensemble », ou plutôt d’intolérance aux manies du prochain, pour fonder ce régime d’exclusion. Comment l’auditeur pourrait-il y voir autre chose qu’une volonté d’emmerder les fumeurs et désormais aussi les ex-fumeurs?  
Après cet incompréhensible amalgame, la dernière saillie sur le plateau de RMC du professeur alerte sur les nouvelles cigarettes de tabac chauffé des cigarettiers. « Il faut une ligne rouge entre les deux. Quand il y a du tabac, c’est un produit du tabac, quand il n’y en a pas, cela n’en est pas », conclue le professeur qui a miné auparavant la possibilité de cette distinction en excluant les vapoteurs du registre des non-fumeurs par le mythologique vapotage passif. Bien illuminé celui qui peut suivre ce chemin.
Une prescription compassionnelle
Mieux s’hydrater pour alléger les urines. Si les troubles anxiogènes liés à la couleur et au contenu en cotinine de celles-ci perdurent, bien que cela soit totalement bénin, le Pr Dautzenberg peut éviter les asperges et les plats contenant des solanacées. L’angoisse persistante d’un complot de re-normalisation du tabagisme mené par ceux qui ont arrêté de fumer doit cependant être traitée sérieusement. Même si le docteur semble jovial et empathique, il y a dans cette paranoïa un fond irrationnel et une opposition aux faits assez inquiétants. 
Concernant la loi Evin, déjà passablement éméchée sur son pan de l’alcool, sa spécificité sur le tabagisme vient de se faire étrangler par derrière. On peut douter qu’elle survive à un tel traitement par l’absurde aux yeux du public. Avec 36% de fumeurs, selon le dernier Eurobaromètre, on peut douter que cet amalgame fumeux soit une bonne idée pour la santé publique en France.
Sur le plateau de BFM-TV, le Pr Dautzenberg et Claude Falken de l’association Aiduce
Le Pr Dautzenberg, invité de Jean-Claude Bourdin vendredi matin

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