La Thaïlande reconnait officiellement des arrestations de vapoteurs étrangers, l’OMS l’encourage

« Il y a eut des incidents récemment avec des voyageurs étrangers qui n’étaient pas au courant de l’interdiction [du vapotage] et qui ont du payer une amende sur place ou ont été arrêtés ». L’Autorité du Tourisme en Thaïlande (TAT) ne donne pas plus de précision dans son communiqué, daté du 22 septembre dernier, sur ces « incidents » liés à la prohibition du vapotage mise en place depuis 2014 par la junte militaire. Fin juillet, le milieu des vapoteurs alertait sur l’arrestation le 26 juillet d’un touriste Suisse détenu durant six jours pour avoir vapoté en public. Relâché sous caution, il risque une peine de prison, qui selon les griefs retenus peut aller jusqu’à 10 ans. Information confirmée par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), mais dont la médiatisation a valu quelques enfumages. Malgré notre demande, l’Ambassade thaïlandaise de Berne ne nous a donné aucune précision ni sur l’affaire ni sur les indications à donner aux voyageurs. 
Arrestations et confiscations
Depuis, la presse britannique s’est fait l’écho d’autres cas de touristes pris à partie par les forces de l’ordre en Thaïlande. Certains ont dû donner des sommes de l’ordre de plus de 160 Fs sans savoir s’il s’agissait d’amendes légales ou de racket policier. Une ambiguïté fréquente en Thaïlande comme le confirme un français expatrié dans un interview à Vapoteurs.net. De son côté, le Foreign Office recommande explicitement à ses ressortissants de ne pas prendre de produits de vapotage en Thaïlande, alors que le DFAE reste silencieux sur le sujet. L’interdiction du vapotage ne concerne pas seulement les touristes, de nombreuses arrestations de thaïlandais sont rapportées régulièrement par la presse locale.
C’est dans ce contexte que, bien qu’elle ne donne aucune précision sur les suites judiciaires des différentes affaires, l’Autorité du Tourisme en Thaïlande a décidé d’informer les futurs voyageurs par ce communiqué, repris par de nombreux sites d’information en ligne notamment de langue allemande. « Alors que le vapotage (ou e-cigs) est utilisé un peu partout dans le monde comme aide pour arrêter de fumer, les voyageurs qui viennent en Thaïlande doivent savoir que cela est en fait illégal dans le Royaume », explique la TAT. « Beaucoup pourraient se demander pourquoi un appareil prévu pour aider les gens à arrêter de fumer est interdit. Un porte-parole du Gouvernement a déclaré que l’interdiction a été introduite pour des raisons de santé et qu’elle était suggérée à l’origine parce que le vapotage pourrait amener les jeunes au tabagisme », poursuit le communiqué.
La violation de l’article 1 (d) de la Convention anti-tabac
En parallèle, le bureau anti-tabac (FCTC) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a franchi un pas supplémentaire dans son soutien à la prohibition thaïlandaise de l’outil de réduction des méfaits. La Dr Jagdish Kaur, cadre du bureau asiatique de la FCTC, appelle à suivre l’exemple de la Thaïlande, de la Corée du Nord et du Timor oriental, contre toute liberté donnée aux usagers de pouvoir utiliser des outils de réduction de risques comme le vapotage. « Les pays de la région du Sud-Est asiatique (SEAR) doivent prendre des mesures réglementaires pour interdire holistiquement la production, l’importation, la distribution, la présentation, la vente et l’usage des appareils électroniques de délivrance de nicotine (ENDS) ou sans nicotine (ENNDS), de manière appropriée à leur droit national. Sans égard à ce que ces produits contiennent ou non de la nicotine, ils imitent la fumée et doivent être considérer comme une promotion (directe ou indirecte) de l’usage de tabac », explique l’article de la cadre de l’OMS publié dans l’Indian Journal of Public Health le 15 septembre
Pourtant la Convention anti-tabac qui donne vie à ce bureau de l’OMS, stipule clairement la réduction des méfaits comme élément intrinsèque à sa démarche. « La « lutte anti-tabac » signifie une gamme de ressources, de demandes et de stratégies de réduction des méfaits visant à améliorer la santé de la population en éliminant ou réduisant la consommation de produits de tabac et l’exposition à la fumée de tabac »(*), précise dans sa version anglaise l’article 1 §d de la Convention cadre anti-tabac de l’OMS. La violation de cet article est activement soutenue par le Secrétariat Général actuel de la FCTC, qui s’est arrogé des pouvoirs de direction au-delà de son rôle de secrétariat au motif de lutter contre l’influence des firmes cigarettières. Bien que cette tactique d’opacité et d’exclusion de la société civile favorise un éco-système propice aux noyautages des grandes firmes tabagiques, notamment de Philip Morris comme l’a révélé une enquête de Reuters à propos du dernier sommet de la FCTC en Inde.

Sourires 1984

Vera da Costa, Secrétaire Générale du bureau anti-tabac de l’OMS, avait déjà adressé officiellement ses « félicitations » et « toute [sa] gratitude » à la junte militaire thaïlandaise pour sa prohibition du vapotage quelques mois après le coup d’état en 2014. Le pays qui compte, selon ses statistiques officielles, 42% de fumeurs est considéré comme « une sucess-story » par la toute-puissante cheffe de la FCTC dans un article du Guardian à l’été 2016. Le marché légal des cigarettes y est tenu pour 80% par le Thaïland Tobacco Monopoly, entreprise d’Etat sous l’autorité du Ministère des finances mais qui ne détient plus le monopole en dépit de son nom. L’entreprise annonce rapporter plus de 7 milliards de baths (env. 200 millions FS, 180 millions €) par an au Royaume. Le Thaïland Tobacco Monopoly finance notamment clubs de football et actions culturelles… Au pays du sourire obligatoire, que les opposants démocrates comparent au roman 1984 de George Orwell, arrêter de fumer à l’aide de la vape, c’est pire que fumer des cigarettes. 
(*) « “tobacco control” means a range of supply, demand and harm reduction strategies that aim to improve the health of a population by eliminating or reducing their consumption of tobacco products and exposure to tobacco smoke », à noter que la traduction française officielle est peu claire sur le point de la réduction des méfaits.