Etrange promotion de Philip Morris par AT-Suisse

AT Suisse réécrit l'histoire au profit de Philip Morris
Cela ressemble à un de ces publi-reportages dont l’industrie cigarettière raffole. « Philip Morris a développé des précurseurs de la cigarette électronique dès les années 90 », titre le dernier bulletin de l’Association suisse pour la prévention du tabagisme (AT-Suisse). La publication bernoise avance que la firme lausannoise voulait promouvoir « une alternative aux thérapies par substituts nicotiniques aux fumeurs soucieux de leur santé ». Jouant sur le champ lexical de l’innovation technologique, l’encart surplombe deux articles consacrés aux adolescents. Selon AT-Suisse, cette information aurait été « découverte » dans les documents de Philip Morris par des chercheurs de l’Université de Californie menés par Stanton Glantz. Sauf que cette information est au minimum trompeuse, si ce n’est complètement faisandée.

L’histoire réelle

Dans l’histoire réelle, un brevet d’e-cig a été déposé dès 1963 aux Etats-Unis par Gilbert A. Herbert. Soit plus de trente ans avant ces soi-disant « précurseurs » de Philip Morris. « Je l’ai montré à des entreprises dans la chimie, des sociétés pharmaceutiques et des compagnies du tabac. Ils ont fait ce qu’il avaient à faire pour protéger leurs marchés », explique G. Herbert en 2013 à Ashtray Blog. Son invention ne sera jamais produite. De nombreuses autres tentatives ont suivie comme le montre la liste impressionnante de brevets déposés. On note par exemple la première utilisation du terme vapotage par le Dr Norman Jacobson en 1980. La Favor sera même lancée sur le marché aux Etats-Unis avant d’être retirée sur injonction de la Food and drug administration (FDA).

Trente ans plus tard

En 1994, Philip Morris arrive bien tard avec ses projets qui n’ont plus rien de précurseurs. Pour ne pas dévaloriser son cœur de métier, le cigarettier laisse son prototype dans un tiroir durant 20 ans. C’est seulement devant l’essor fulgurant de la vape, relancée à l’initiative du pharmacien chinois Hon Lik, que Philip Morris ressort ses vieux plans et commercialise une vapoteuse en 2013. Son produit vieillot n’a pas grand succès et convainc la firme de se concentrer sur le tabac chauffé qu’elle avait aussi dans ses tiroirs depuis les années 1990.

La Post-Science produit aussi ses « faits alternatifs »

Mais alors, pourquoi le chercheur Stanton Glantz prend t-il pour argent comptant ce qui a tout l’air d’une auto-complaisante propagande du cigarettier? La question s’est posée à des observateurs, comme le spécialiste Jerôme Harlay, choqués de « ce coup de pub gratuit à Philip Morris » par l’article publié dans Tobacco Control mi-novembre. 

Le dépôt du dossier – pesant 15 tonnes – d’homologation de la cigarette de tabac chauffé Iqos par Philip Morris à la FDA, trois semaines après l’article de Stanton Glantz, est peut-être un début de réponse. Le chercheur californien est un des artisans de la réglementation de la FDA qui impose une procédure ultra-dispendieuse. Vanter les mérites technologiques de Philip Morris apparaît une justification avant l’heure du monopole dont vont bénéficier les cigarettiers grâce à ce règlement. Le mur financier qu’il érige, va bannir du marché les producteurs de vape indépendante sans les fonds en millions de dollars des multinationales.

Promo de cigarette sur RTS la 1ère

Dans le contexte Suisse, l’étrange promotion de la technologie du cigarettier vaudois n’est pas une première. Début septembre 2015, pour la sortie de la cigarette Iqos, Grégoire Vittoz avait lancé en direct sur l’antenne radio de la RTS la 1ère un tonitruant: « C’est très sophistiqué, c’est joliment fait. Pour l’avoir testé, c’est assez bluffant aussi en terme de goût ». Le porte-parole de la Ligue pulmonaire suisse a t-il violé l’interdiction de promotion du tabac de la Loi sur la radio et télévision (LRTV) ? Personne ne s’est plaint… Possible que personne ne l’ait cru non plus.

Deux poids, deux mesures

Autre épisode à la fin de l’an passé, la Commission fédérale pour le prévention du tabagisme (CFPT) reprend à son compte la revendication de taxe anti-vape de Philip Morris. Chacun de ces faits peut être une maladresse sur fond de dogmatisme étriqué et de haine avérée contre les usagers. Mais ils s’ajoutent à l’absence totale de curiosité de ces organisations sur les raisons de l’administration fédérale à n’appliquer l’article 37 de l’O
DAIOUs
qu’à l’encontre du vapotage nicotiné et non pas aux produits des cigarettiers. Même l’Iqos a été autorisée sans problème en 2015 alors que les liquides de vapotage avec nicotine sont toujours interdits de vente. Pourtant, dans « l’élaboration hâtive de l’ODAIOUs, les produits du tabac sont soumis à l’article 37 de l’ordonnance », souligne l’association Helvetic Vape dans son plaidoyer concernant le vapotage

La multiplication de ces éléments troublants ne constitue pas une preuve. Mais il devient de plus en plus difficile de ne pas être pris de doutes sur l’étrange jeu de ces organisations soi-disant anti-tabac en guerre contre les vapoteurs et, de facto, en faveur du cigarettier Philip Morris.

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